Noir rivage de Jean-Paul Demure

Sur un thème pas très original Jean-Paul Demure brode une histoire qui nous plonge dans une noirceur crasse, une histoire dont le héros est un clochard qui croise par malheur un cadavre, ce qui va l’emmener à rencontrer une jeune bourgeoise qu’il va suivre, fasciné par elle.
L’intrigue n’est pas très importante de toute façons, c’est le chemin et la voix de ses personnages qui intéressent Jean-Paul Demure.
Le personnage de Max est touchant, tout d’une force brute, hésitant, ressemblant parfois à un paquet que l’on doit transporter, mais aussi ange protecteur. Le personnage de la bourgeoise est plus facile, moins intéressant, moins crédible dans sa descente dans la déchéance.
Ce livre est une véritable immersion dans le monde des clochards, un monde noir et cruel, jamais enjolivé, complaisant ou misérabiliste, et encore plus dans la tête de Max, dont la logorrhée accompagne tout le livre. Car c’est en cela que ce livre est prenant, l’écriture de Demure est riche, c’est une longue coulée, toujours crédible dans la bouche de ce clochard, collage de sons, de différents niveaux de langage, une bouillie verbale délirante, de longues phrases parfois à la limite du compréhensible, des phrases toujours prêtes à se casser la gueule mais peu importe l’auteur cherche à donner une sensation plutôt qu’un sens. Par exemple :  » On n’avait aucune raison de se tenir à bord, encore moins d’avoir traversé cette grande merdasse bleue au risque de réveiller le grouillement larvaire que les autres nomment souvenirs, prêts à dévorer la bête toute vive, aucune raison foutre non, l’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive, à part suivre en connard la splendide figure de proue, l’étoile du matin et du soir, fière et lumineuse, essuyant les paquets de chiennerie sans que jamais se voile l’éclat des yeux maritimes. Mais bof.  »
Ainsi comme toujours chez Demure (qu’on repense aux très bons Fin de Chasse ou Aix Abrupto) on trouve un ton très personnel trempé dans des eaux profondes qui donnent de beaux passages d’une noirceur étincelante et toujours d’un pessimisme profond.
Jean-Paul Demure confirme qu’il est un des meilleurs auteurs de roman noir français.
Noir rivage de Jean-Paul Demure, Rivages/Noir, 2002

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