Un livre bilan. Un livre jeu. En parallèle l’histoire de Jimmy Bagouille dit le Pouacre, dit Jibè à deux moments de sa vie : deux ans auparavant alors qu’il se retrouve à enquêter sur une sombre histoire qui mêle une intrigue politico-financière à des meurtres racistes et aujourd’hui où il sort un livre sur cette affaire, livre qui a un certain succès.
Bref un roman avec mise en abîme entre un auteur qui parle de son livre et en parallèle la description de l’enquête qui a mené au livre, un roman noir avec une intrigue, une construction et le commentaire sur ce roman noir, sa sortie, sa promotion.
C’est un livre qui désarme la critique, puisque Bastid prend un malin plaisir à la devancer.Le début est très efficace, impressionnant, de même la fin est surprenante, toutes les parties qui concernent la sortie du livre sont amusantes, on trouve des clins d’œil (le personnage principale appelé Jibé ou le Pouacre, en référence à un célèbre auteur de polar créateur du poulpe…), quelques piques envoyées aux auteurs noirs en général, qui se réfugient souvent dans un antifascisme consensuel… Donc intéressant parce que Bastid n’est pas un débutant et ses réflexions acides sur le genre sont plutôt rafraîchissantes (voir les quelques lignes sur le Poulpe en justicier social démocrate) même si on devine que de nombreux éléments nous échappent au risque de la Private Joke. Intéressant aussi la nonchalance de l’ensemble, le héros est un type plutôt tranquille, un gagne petit et son histoire d’amour avec une productrice de journaux féminins aux dents longues sonne juste et tendre.Où je suis plus réservé c’est sur l’intrigue proprement dite, une histoire de crime raciste, d’affaire immobilière véreuse, et de prostitutions de femmes de l’est, tout cela n’est pas très originale, et comme l’auteur le dit lui-même il tombe et refait ce qu’il dénonce (c’est bien le problème on pense un truc négatif et hop un personnage fait la même réserve), on se demande parfois si tout ça n’est pas du foutage de gueule rigolard, si ce n’est pas une démonstration où l’auteur fait le type même de livre qu’il dénonce… Avec son justicier (même si celui paraît un peu lymphatique), ses méchants fachos, son héroïne mignonne et faussement naïve, ces roms avec leur propres règles, cette scène d’amour à trois pas du tout crédible, on est toujours à la limite de la parodie, de même au niveau du style parfois très écrit, parfois à la limite du cliché.
Alors soit Bastid est sérieux quand il déroule son histoire qui manque singulièrement de piment et de rythme (essentiellement des scènes de dialogues souvent trop souligné…) soit il se moque de ça, mais on est obligé parfois de se taper des pages et des pages mollassonnes. Heureusement les allers-retours entre le présent et le passé coule bien.
Et on trouve en plus une petite chronique bibliographique qui nous éclaire sur l’auteur et nous confirme que c’est un livre qui fait le bilan de la période néo polar française, un bilan légèrement désabusé, critique mais qui permet d’envisager un renouvellement.
Plaine de bruit et de fureur de Jean-Pierre Bastid, Le Masque, 2002
Plaine de bruit et de fureur de Jean-Pierre Bastid
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