Stoppez les machines de François Muratet

Un bandeau sur ce livre indique que c’est Le roman sur les 35 heures, mais ce n’est pas que ça, c’est plus largement un roman qui prend pour décor un conflit social dans une entreprise métallurgique et qui utilise la lutte des classes comme moteur fictionnel pour une intrigue policière avec ses crimes, ses vols, ses magouilles, ses agents doubles. C’est un roman orienté politiquement, pas parce que son héros serait d’extrême gauche ou libertaire mais parce qu’on s’intéresse à un collectif, aux différents acteurs d’un conflit dont la violence augmente selon les principes de l’aïkido, c’est-à-dire de l’attaque – défense – contre-attaque, ça fonctionne comme une spirale, avec les trois personnages principaux et les autres membres de l’usine comme accélérateurs.
On trouve Mona, ouvrière rebelle et chanteuse de rock, Bruno, médiateur pour les 35 heures, Raymond payé pour infiltrer l’usine, leur regard se suivent et apportent chacun une vision différente et complémentaire sur ce qui se passe, ce qui apporte du dynamisme. Ces personnages ont des intérêts contradictoires, hésitent, changent d’avis, et sont loin d’être monolithiques, l’écriture colle à leurs différences.
L’univers de la grève apparaît comme réaliste avec son syndicaliste Cédétiste qui traîne la patte, son comité de grève, ses grandes gueules, les jaunes, les débats sur jusqu’où va-t-on, l’attente du conflit qui se traduit par de petites chutes de rythme dans le récit… On entend aussi les bruits et murmures de l’usine grâce à des descriptions fines et rapides, l’huile des machines coule sur nos doigts, mais ce n’est pas un documentaire, la montée vers une fin apocalyptique nous le rappelle et permet ainsi une autre vision plus globale et plus noire du système. On peut regretter quelques caricatures, telle la scène courte dans une fête parmi des gens du show-biz avec la drogue et des gens qui baisent partout, description banale et facile, Muratet y semble moins dans son élément. L’écriture est juste et forte et a l’élégance de ne pas être voyante, les dialogues nombreux ajoutent à la fluidité de l’ensemble.
Stoppez les machines de François Muratet, Editions Serpent Noir puis Babel Noir, 2001

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