Désordre de Penny Hancock

Une femme qui s’est marié sans passion, dont la fille est partie, qui s’ennuie, seule dans sa grande maison, séquestre un jeune homme qui lui rappelle un amour de jeunesse.
Ok, pourquoi pas ? Le truc c’est qu’une fois le sujet trouvé, qui n’est déjà pas d’une grande originalité, il faut écrire ces putains de 400 pages obligatoires. Mais que faire quand on n’a pas grand chose à dire, on se retrouve alors à broder. Et ça pour le coup, l’auteure sait le faire, elle brode sur la Tamise et ses alentours, des descriptions parfois réussies mais qui n’en finissent pas. Elle brode sur le rapport de l’héroïne avec sa mère. Elle brode sur son passé si douloureux qui revient par vague toutes les dix pages pour arriver opportunément à sa conclusion pile poil à la fin du livre, comme quoi la mémoire, hein !
Le minimum pour ces livres de consommation c’est que le trouble soit là, qu’on soit emporté. Mais une fois le décor posé, la fascination pour la jeunesse de Jez, rien n’évolue, rien ne change, le rapport avec Jez est statique, l’héroïne ne cherche même pas à le baiser par exemple (ce serait trop choquant pour le cœur de cible) juste elle lui renifle ses cheveux, admire sa peau, l’auteure ne se confronte pas réellement à son sujet, reste à distance, elle ne veut pas se salir, elle ne veut pas prendre de risque, elle veut qu’on puisse s’identifier à son personnage principale sans qu’on soit perturbé ou remué. On devrait partager son plaisir coupable, sa peur d’être prise sur le fait mais comme tout est donné d’emblée, tout est programmé, comme on sait exactement ce qui va se passer, on ne ressent aucune tension, on ne ressent ni la chaleur de la passion, ni le froid des désirs morbides, tout est tiède et la révélation finale n’est qu’un vieillot deux ex machina alors que c’est censé être un mystère du livre qu’on devrait avoir envie de découvrir.
Le vocabulaire est riche, descriptif, plutôt précis, l’écriture est soignée au risque de la préciosité. Il n’y a pas de style, pas de souffle, c’est très plat et même parfois hasardeux.
« Deux larmes coulent en parallèle sur ses joues. Elle les essuie en même temps avec ses deux index, puis prend une grande inspiration et une gorgée de vin. »
Les dialogues sont artificiels, on sent l’intention de l’auteure de vouloir traduire le langage parlé mais ça ne sonne pas juste pour autant, ça manque de vie et d’incarnation.
« Vous m’avez trouvé de la beuh ? Demande-t-il en tremblant.
– Comme je te l’ai dit tout à l’heure, je m’en occupe. Mais bon, ce n’est pas une très bonne idée de fumer si tu ne te sens pas bien. Et puis en plus… Non, rien, tant pis. Regarde, je t’ai apporté de quoi te changer. Et du jus d’orange. Ça va te faire du bien. »
L’histoire, l’écriture, tout cela est très fabriqué et cela se voit sans cesse.
Un roman fait avec une idée préconçue et stéréotypée d’un lectorat défini qui pourrait se reconnaître dans l’héroïne, les femmes d’un certain niveau social (on ne parle pas dans ce roman du prolétariat londonien mais d’une femme qui trouve compliqué de séquestrer un homme quand la femme de ménage est là) qui s’ennuie, en partant du principe que c’est la cible qui lit le plus et que ce public fait le succès d’auteur comme Camilla Läckberg (dont les livres sont tout aussi mièvres mais avec des intrigue plus solides et rythmées). Avec un soupçon (mais vraiment pas plus) d’érotisme feutré pour émoustiller. Un livre qui n’apporte même pas, hélas, le léger plaisir que ce genre de produit marketé pouvait laisser espérer.
Désordre de Penny Hancock traduit de l’anglais par Julie Sibony, Sonatine Édition, 2013

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