Un avocat démotivé plaide sa dernière affaire dans la ville de Colombey-les-Deux-Églises, où se retrouve Étienne Marsant, acteur en fin de carrière cherchant à tromper l’ennui, ces deux univers vont se rencontrer. Il est précisé sous le titre que c’est une petit fable judiciaire, comme si l’auteure s’excusait par avance de la légèreté de son livre. Et effectivement c’est un roman qui se lit rapidement, qui n’a pas la force rageuse de ses premiers ouvrages.
Mais on retrouve le mordant de l’auteure, on retrouve sa révolte face à l’aseptisation du monde, face au délire sécuritaire, on y trouve aussi une tendresse pour ces personnages vieillissants, perdant leur enthousiasme mais continuant à regarder le monde avec humour et désenchantement. Surtout Hanelore Cayre écrit avec la même souplesse, ça va vite, c’est fluide, enlevé, elle mêle les différentes histoires avec talent, elle garde aussi sa mauvaise humeur avec une capacité à finir un paragraphe d’une phrase cinglante de méchanceté.
« Son dégoût franchit un second niveau lorsqu’il comprit que son travail consistait à convaincre des magistrates tout juste plus âgées que sa fille ; des greluches débiles dont la vocation était née d’un visionnage excessif de mauvais feuilletons télé et qui se permettaient de le morigéner comme un petit garçon. Il cantonna alors son activité aux cours d’assises et aux cas difficiles, se déchargeant de ses audiences mineures sur de jeunes collaborateurs qui possédaient le ressort qu’il n’avait plus.
Puis il eut cinquante ans et fêta cet anniversaire, comme tout bourgeois, par une coloscopie. »
Cet art du portrait est au sommet lorsque les membres du jury sont choisis, au centre du livre Hannelore Cayre fait se succéder un sinistre curriculum vitae des potentiels jurés, on sent une jubilation à résumer ces vies en quelques lignes, mais aussi une certaine violence dans le regard que les membres de la justice ont sur le peuple. Les personnes sont figés dans les vignettes décrites par le personnage de l’avocat mais aussi par Hannelore Cayre, de même les différents personnages du livre sont, eux-aussi, figés dans les descriptions féroces de l’auteure, ils ne s’en écartent pas, ce qui étouffe un peu l’ensemble.
Hannelore Cayre mélange ses deux expériences dans le monde du cinéma et de la justice pour montrer à quel point la justice, et par là, l’ensemble de la société, devient un spectacle (ce n’est pas un hasard si Guy Debord est cité), que tout est question de mise en scène, d’émotions faciles, on joue, on s’amuse alors que le destin d’un jeune est entre l’acquittement et la perpétuité. Il y a une certaine ironie à terminer ainsi sur un happy end, ça finit bien, tout le monde est content et en même temps le spectacle a définitivement pris le pouvoir.
Comme au cinéma de Hannelore Cayre, 2012, Éditions Métailié
Comme au cinéma de Hannelore Cayre
Si vous voulez partager
Un petit Hannelore Cayre, un poil décevant.