Soit l’histoire du jeune Faraht et de la famille Bounoura, Faraht qui a prit un certain nombre de coups, et qui en donne beaucoup, c’est le cri d’un enfant puis d’un adolescent face à la violence paternelle et maternelle, la violence des flics, la violence de la misère, du racisme, Faraht qui rend tous les coups qu’il reçoit, qui se forme, se durcit, essaie malgré tout de survivre de petits larcins en petits larcins, sur un chemin de plus en plus étroit qui l’amènera à la prison.
On remarque d’abord l’affection de l’auteur pour ses personnages en manque de tendresse, pour Faraht d’abord mais aussi pour les autres personnages, comme les frères et sœurs de Faraht, toute la famille est très bien décrite, mais les autres personnages le sont tout autant, comme ce M. Lemoine qui prend un temps Faraht sous son aile. Une tendresse qui n’empêche pas la lucidité, Faraht est un personnage tourmenté qui peut être cruel, ce n’est pas un « gentil héros ».
On sent dans l’écriture de Abdel Hafed Benotman, une urgence, une nécessité de dire, d’écrire, qui se traduit par un flux verbal enragé. Cette impression est renforcée par la chronologie déstructurée du livre qui empêche le lecteur de chercher une histoire édifiante avec un début, un milieu, une fin, et qui évite le côté leçon misérabiliste ou le naturalisme. L’important c’est la langue qui décrit une sensation à un instant, un moment précis. Les chapitres, toujours ornés d’aphorisme poétique, sont des blocs autonomes composés d’envolées qui finissent parfois par une formule sèche comme un uppercut. Par exemple cette description d’un étudiant qui sort avec la sœur de Faraht : « Gérard prit le pucelage de la « petite arabe » et la fuite, laissant Kim prendre vingt kilos. Le gendre idéal était d’extrême gauche mais pas au point de décevoir ses parents. »
L’écriture de Abdel Hafed Benotman est riche, joueuse tout en restant précise dans le choix des mots. De plus son écriture est variée, parfois casse gueule, souvent réussie, il est très fort pour décrire une situation, une personne.
Son écriture est une écriture de l’action, du combat. Être au plus vif, ne pas tricher, être cru. Le héros se bat, et l’auteur se bat avec lui, prend les coups, et on les prend avec lui, c’est pour cela que ses livres remuent, écœurent autant qu’ils émeuvent, font rire, et surtout nous enrichissent, parce que nous faisons le trajet avec lui.
Éboueur sur échafaud d’Abdel Hafed Benotman, Rivages. Écrits noirs, 2003
Eboueur sur échafaud d’Abdel Hafed Benotman
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