Ce premier livre impose un univers et un style personnels. Un groupe de quatre gangsters viennent de tuer un flic après un coup raté, ils partent à la recherche de la femme de ce flic, témoin gênant, pour la tuer. Parmi ces quatre gangsters, un débutant, surnommé « M’sieur », mal dans sa peau, obéissant sans trop savoir pourquoi, pour être quelqu’un, pour tromper l’ennui.
Premier roman noir de Gagnol, premier coup de maître. Gagnol travaille sur une véritable dilatation du temps, il prend un épisode classique des romans noirs, épisode qui pourrait être expédié en dix pages, soit des petits malfrats qui se retrouvent après un coup foireux et s’enfoncent dans leurs erreurs, et malaxe ce matériel, le distord, le distend pour voir ce que ça peut cracher, ce qu’il y a au fond, ce qu’on peut voir à travers ces clichés retravaillés. Gagnol va à l’essentiel, réduit les évènement à quelques sensations, les descriptions à quelques détails, une vieille ampoule suffit à l’auteur pour décrire des chambres d’hôtel minable, pas besoin de plus. Ainsi débarrasser de tout ce qui l’encombre, Gagnol peut mettre à nu des sentiments, peut essayer d’aller à une sorte de condensé de l’être humain. En commençant par M’sieur, un jeune homme, disciple soumis, embarqué là dedans sans trop savoir pourquoi, qui n’arrive pas à penser, il ressent juste: peur : peur, ennui, colère, odeur, au-delà du bien et du mal, parce que la seule chose qui l’intéresse c’est d’être quelqu’un, d’être accepté et que tout se passe bien.
M’sieur d’Alain Gagnol, Série Noire, Gallimard, 1995
M’sieur d’Alain Gagnol
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