Les lumières de frigo d’Alain Gagnol

Une histoire d’une grande simplicité, celle d’un tueur à gage, Alexis, qui raccroche par lassitude et par amour, mais qui malencontreusement blesse et envoie dans le coma celle qu’il aime. S’ensuit une dérive d’Alexis poursuivi par ses ex-collègues et ses souvenirs.
L’intrigue proprement dite à une importance très relative et cela n’empêche nullement ce livre d’être passionnant, ne vaut-il pas mieux un roman noir avec une intrigue sommaire mais qui te tient les tripes et ne te les lâche pas, qu’un livre avec une intrigue béton, des personnages étoffés mais qui indiffère par la faiblesse de son style, de son rythme, la fadeur de son atmosphère. Le style est magistral de retenu. Toujours peu de descriptions, de métaphores (l’abus des métaphores et comparaisons n’est-il pas une des plaies du roman noir ?), on va comme toujours avec Gagnol à l’essentiel. Direct. Alors que dans ces pages est censé régner une chaleur écrasante, on se trouve plongé dans un bain d’eau glacée, pour n’en sortir qu’embué, troublé, transi, au plus près de ce qu’éprouve le héros, plus attentif aux battements de son coeur, plus intéressé par son errance que par la température extérieure.
Il est impossible de situer où se passe le roman, dans n’importe quelle petite ville, dans des lieux traversés d’autoroutes, on l’impression qu’il y fait toujours nuit même en pleine journée, on est perdu dans le temps (et la construction astucieuse et originale du roman renforce cette impression), dans l’espace, Gagnol donne toujours peu d’éléments pour nourrir notre imaginaire, il nous laisse faire le travail, nous oblige à injecter nos propres images, nos propres angoisses sur les pages. Chacun se fait son roman avec les éléments fournis. Cela peut rebuter les lecteurs habitués qu’on leur prenne la main pour les emmener dans des endroits parfois accueillants, parfois effrayants, en tout cas, des endroits bien décrits ou tout est à sa place, confortable. Ici pas de passage qui surnage, de moments plus ou moins forts, d’effets de manche, cela se lit d’un bloc avec de rares respirations (le début étrangement bucolique, et une rencontre entre le héros et sa sœur). Juste une longue coulée. Mais le voyage en vaut la peine.
Les lumières de frigo d’Alain Gagnol, Série Noire, Gallimard, 1997

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