Un flic noir, insensible à la souffrance, utilisé pour découvrir un tueur en série.
Le gâchis continue ! Chainas a du talent, et pourtant, on assiste étonné à du grand n’importe quoi.
L’idée de base pouvait être intéressante, un personnage insensible à la douleur, qui perçoit le monde en terme technique, ça pourrait donner un ton froid, nihiliste, etc. mais là comme l’auteur s’est beaucoup documenté, autant en profiter pour étaler sa science, merde, il ne s’est pas tapé tous ces volumes sur l’anatomie, sur la psychocognitive pour rien. mais est-ce une raison pour nous révéler sa science à tout propos, sur les hôpitaux, la sorcellerie africaine, les armes à feu, le corps, les drogues, les sigles policiers, le personnage ne peut pas donner un coup sans une explication de tout le processus qui survient, ça devient vite insupportable, la moitié du livre ne sert à rien. Ça donne même des petits bijoux du genre « J’arrive tellement vite que j’en perds presque l’équilibre.
Je frappe directement à la nuque, pile entre l’axis et l’atlas, juste sous l’occiput, là où le système nerveux central rejoint le cerveau. », ou la visite d’un hôpital où on a le droit à toutes les explications sur l’aphasie, sur l’héminégligence, lit-on vraiment un roman noir pour écouter sagement un professeur ?
L’histoire est à l’avenant, cette histoire de tueuse héréditaire sans nez accompagné d’un nain, c’est de l’humour ? Pourtant l’auteur semble se prendre très au sérieux alors qu’il verse dans le grand guignol et le foutage de gueule comme dans cette scène d’orgie totalement ridicule. Il essaie d’emporter le morceau en en rajoutant dans la violence et la noirceur, mais ça ne fonctionne pas parce que l’histoire fait du surplace, rien ne se noue, rien ne se tend.
L’écriture pourrait sauver l’ensemble, mais si Chainas sait parfois construire des phrases puissantes, si on sent que dans son écriture une force qui pourrait exploser, une capacité à varier la forme, une originalité, si on sent une ambition qui change d’une littérature parfois trop tiède, hélas là aussi il tape dans le vide, il veut toujours trop montrer, il veut que chaque mot, chaque phrase, chaque paragraphe percute, il voudrait provoquer, fourailler dans la chair, il ne fait qu’épuiser, ça donne l’impression d’assister impuissant à un boxeur seul sur un ring, agitant les bras pour faire illusion.
L’ensemble se noie dans le clinquant, le « sévèrement burné », le tape à l’œil, alors que l’auteur possède la boite à outil qui, avec plus de simplicité et de sincérité, permettrait de faire un grand roman noir.
Anaisthêsia de Antoine Chainas, Série Noire, Gallimard, 2009
Anaisthêsia de Antoine Chainas
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Ah, l’écriture de Chainas… Ça ne laisse pas insensible. Chainas, on aime ou on n’aime pas. Le Mona Cabriole mis à part (je le lirai peut-être à l’occasion), j’ai tout lu.
Assez d’accord avec vous concernant celui-ci, qui n’est pas le meilleur Chainas (voire le moins bon). Je lui préfère Versus et Une histoire d’amour radioactive.