Corps défendant est un roman sur un homme mal dans sa peau qui angoisse, ne trouve pas sa place, fait la fête mollement, baise, bosse sans conviction, essaie de survivre, essaie de respirer.
Un jour, confronté à la violence, il va tenter de changer.
Un roman sur ce que la société des hommes attend de nous et sur comment nous nous retrouvons coincés.
Il est édité en ligne chez Ska édition
On peut le trouver ici : Numilog
Une critique de ce livre sur le site Black Novel1 : ici
Un extrait : Sa main dépasse du lit, la paume vers le plafond, son bras forme un angle droit avec son torse. Le drap est mêlé à ses jambes. La couverture ne cache plus grand-chose, dévoile ses seins, son flanc, son aisselle rasée. Je pourrais me baisser pour la border.
Je ne bouge pas, j’attends le jour. Je suis assis sur une chaise et j’attends qu’il soit l’heure, qu’arrive le moment où je dois me mettre en mouvement, où ça s’enclenche, les gestes qui amènent d’autres gestes.
Je suis torse nu, j’ai presque froid, le ciel se dilue, s’éclaircit, je suis réveillé pleinement réveillé. Je ne pense pas. Je regarde le jour s’installer. Si je fermais les yeux, tout se bousculerait, les images, les sensations, les souvenirs. Je ne les ferme pas. J’attends. Je me penche, éteins le réveil avant qu’il ne sonne. Il est temps d’entrer dans le monde, de m’y préparer.
Debout. La salle de bain. Sous la douche, eau glacée, je tourne le robinet, un flot me brûle la peau, robinet, glacée à nouveau, putain, impossible de trouver le bon mélange, je me lave comme je peux, rapidement. Je sors frigorifié, mes pieds glissent sur le sol inondé, je me rattrape, je ne sais pas trop comment, la main contre le mur. Je chasse l’image de mon corps s’effondrant, ma tête heurtant le bord de la douche, et puis le sang sur le carrelage.
Je me frotte le dos pour me réchauffer, ça ne marche pas vraiment.
J’enfile un jean, un tee-shirt. Je me regarde pour voir si ça va, si je ressemble à quelque chose.
Le miroir au-dessus de l’évier est ébréché, taché de poussière, embué, je passe ma main dessus, ça ne change pas grand-chose, je ne me vois qu’à peine dedans, je me devine plutôt. Je m’ébouriffe les cheveux puis les plaque, j’hésite, je ne sais pas ce qui est le mieux.
Du mouvement dans le studio, Hélène se lève, j’entends son pas lourd et mal réveillé, je l’imagine étendre les bras pour bailler, les étendre à se casser les os. Je me tiens à l’évier.
Sa voix me parvient assourdie.
— Oui, c’est moi… Oui, chez Julie, oui, on se voit ce soir… J’ai des trucs prévus aujourd’hui, des trucs à finir, rien de passionnant mais je suis en retard, ça va sûrement me prendre plus de temps que je ne le pensais. J’aurais dû faire tout ça hier, mais tu sais comme je suis, j’ai eu du mal à m’y mettre et après j’étais énervée de ne pas avancer, ce qui faisait que j’avançais encore moins, que je bloquais, le cercle vicieux habituel.
Je sors de la salle de bain, elle a son portable dans une main, de l’autre elle essaie de mettre sa culotte. Je lui fais un geste pour lui dire qu’elle pourrait appeler son mec ailleurs, attendre d’être sortie de chez moi. Elle me répond d’une grimace. Tend sa paume vers moi comme pour me repousser.
— On fait comme ça alors, on se voit ce soir… Oui, ok, au bar, 17h00. Je t’embrasse… oui, moi aussi, à ce soir.
Elle éteint son portable. Elle s’approche et m’embrasse dans le cou.
Et puis.
— Je suis désolée, je dois filer, je suis à la bourre. Je prendrai ma douche chez moi.
— Je croyais que tu avais ta matinée de libre, c’est ce que tu m’avais dit hier soir… Tu n’as pas le temps de prendre un café ?
Hélène ne répond pas, cherche son soutien-gorge, le trouve entre les coussins du canapé, elle le roule en boule dans son sac, puis s’habille en vitesse. Elle se pose devant le miroir, cligne des yeux, les ouvre en grand, elle semble satisfaite, me dit au revoir, à bientôt, on s’appelle.
Mon café est trop fort, il m’arrache le ventre. Le soleil apparaît par ma fenêtre, le monde ne m’attend pas vraiment.